Édition spéciale “Le monde merveilleux des dialectes norvégiens” aujourd’hui.
Pour vous remettre dans le bain, voilà les bases : il y a deux “norvégiens” officiels en Norvège, le Bokmål et le Nynorsk. Le Bokmål (langue des livres) est parlée par 85% de la population, surtout à l’est du pays aux alentours d’Oslo et au Nord. À l’ouest est pratiqué le Nynorsk, un conglomérat de dialectes locaux rassemblés sous une forme écrite. Le Nynorsk veut dire nouveau norvégien mais il est plus proche du vieux Norse (auquel ressemble l’islandais) que le Bokmål (qui se rapproche du danois, qui supervisait l’union avec la Norvège).
Si vous n’êtes pas déjà perdus, je continue : ici à Bergen nous sommes en terres Nynorsk, mais la commune est neutre et officiellement les deux langues sont pratiquées, donc en cours de norvégien on apprend généralement le Bokmål.
Nous on aime beaucoup ces histoires de dialectes, c’est pratique pour essayer de reconnaitre d’où vient une personne voire même se sentir appartenir à une région (en tant qu’étranger, c’est un facteur d’intégration comme un autre). Et puis au final, les langues se ressemblent beaucoup et une fois qu’on connait les spécificités locales, ce n’est pas si compliqué à comprendre. Par exemple en Nynorsk, mais aussi dans le nord de la Norvège où l’on parle Bokmål, on ne dit pas “hva” mais “kva” (hvem/kvem, hvorfor/kvorfor…). D’autres exemples (oui j’ai des problèmes de css, mais je règlerai ça plus tard) :
Français
Bokmål
Nynorsk
pas
ikke [ikeu]
ikkje [icheu]
quelqu'un
noen [nouheune]
nokon [nokone]
soi-même
selv [selv]
sjøl [cheul]
je
jeg [yeille]
eg [égue]/me [?]/æg [?]
Et je peux vous dire que le jour où j’ai découvert que sjøl = selv, j’ai vraiment vu la lumière.
Je n’irai pas plus loin dans les exemples, histoire d’arriver plus rapidement à mon propos. Néanmoins si vous voulez comprendre un peu notre peine (enfin c’est relatif, la langue reste plus simple à apprendre que d’autres), je vous invite à lire ce super article (en anglais) de A Frog in the Fjord, sur la question “comment deviner d’où vient un norvégien grâce à son accent ?”, la première étape étant de déceler si ce norvégien est suédois ou non (à Bergen c’est facile, il y a relativement peu de suédois)(sans rire, après quelques mois de leçons de norvégien, il m’avait fallu une demi-heure pour comprendre qu’un dessin-animé qu’on regardait était en suédois)
Je tiens à préciser que ce qui y est décrit est terriblement vrai : il y a un dialecte dans chaque vallée et il y a beaucoup de vallées en Norvège. Un jour, alors que je me lançais dans une conversation avec un inconnu, je l’ai vu tiquer un peu. J’ai précisé “je suis française”, il a répondu “ah, donc le problème n’était pas juste ton dialecte”.
J’en arrive à la découverte de la soirée : nous avons parlé avec notre proprio, qui vient de Sotra (attention il faut traverser 2 ponts pour y aller, c’est dire si le dialecte y est différent!) et j’ai identifié que pour dire “vous” (dere en bokmål), il dit “dokker”. En vérifiant sur les tréfonds de l’internet (il y a des forums où l’on s’écharpe sur la façon de prononcer kino, qui veut dire cinéma : chino ou tchino)(indice chez vous : ça se dit tchino), j’ai trouvé cette page.
Traduction, résumé et morceaux choisis de la conversation, symptomatique de cette drôle de relation aux dialectes :
A : Je regarde un film sous-titré en nynorsk et je grince des dents à chaque fois qu’ils traduisent “you”. Dokker ? Sérieux ? On a le droit ? Ce n’est pas de et dykk ?
B : On a le droit depuis le 01/08/2012.
C : On a vraiment le droit ?
B : C’est dans les nouvelles normes de nouveau-norvégien (nynorsk)
D :
E : Je dis Dokke et je l’écrirais bien comme ça, mais Dokker je crois que je ne m’y ferai jamais, c’est trop éloigné de mon dialecte.
ps : l’image en haut vient de la série Lilyhammer, à propos d’un mafioso qui s’installe en Norvège. Maintenant vous pouvez comprendre la blague sur son bonnet : “I love NY-norsk”! (même si en fait, on ne parle pas nynorsk à Lillehammer)