Après deux semaines à plein temps en Norvège, on peut dire qu’il y a quelques points pour lesquels les norvégiens gèrent particulièrement. Et d’autres où ils gèrent moins.
Ils gèrent franchement pour les passages piétons. Il suffit qu’on soit à 5 mètres du passage piétons pour que les voitures s’arrêtent. Ca me fait encore tout drôle alors je fais merci de la tête et je presse le pas, mais bientôt j’exigerai mon dû. Il parait qu’en centre-ville c’est plus tout à fait ca et la voiture s’accroche à passer à l’orange – mais moi, là où on vit et là où je travaille, la nature reprend son droit et le piéton est alors une espèce comme les autres dont on respecte le règne en freinant à son passage furtif et gracieux. Autant dire qu’à notre premier retour en France, on va se faire écraser comme des crêpes.
En revanche, là où le Norsk folk (ou peut-être est-ce le Bergensk folk) gère pas beaucoup beaucoup, c’est les bus.
Ok, ouais, il y a des bus qui circulent. N’allez pas croire que parce que ce sont des bus norvégiens ils vont passer à l’heure. Il y a effectivement des points cruciaux pour les bus où ils s’arrêtent 3 minutes pour faire les échanges. Mais un bus pourra très bien passer à un arrêt avec 5 minutes d’avance et foncer jusqu’au hub où il attendra 8 minutes avant de reprendre sa route. Et puis comme à Toulouse, les horaires théoriques sont calés sur un parcours fluide (genre à Paques, quand tous les norvégiens sont dans les montagnes, là c’est fluide!) – autant dire que ca marche moyen aux heures de pointe.
Il faut aussi savoir, chers visiteurs potentiels, qu’un arrêt de bus c’est comme une boîte de chocolats : on sait jamais sur lequel on va tomber. Au début quand on cherche l’arrêt d’un bus, on regarde ce qui est affiché sur la petite cahute et, bien souvent au début quand on n’est pas au courant, on se dit “merde, c’est pas là!” et on marche plus loin (généralement jusqu’à l’arrêt suivant). Après on comprend que tous les bus ne sont pas affichés en gros sur l’abri-bus, et qu’il vaut mieux regarder les feuilles affichées à l’intérieur avec les horaires. Aaaah, ouais, là on se dit qu’on a enfin compris les tenants et les aboutissants du pays dans sa globalité!… jusqu’à ce que s’arrête devant vous un bus qu’on ne connait ni d’Ève, ni d’Adam, ni des horaires détaillés dans l’abri-bus.
Enfin, les horaires des bus sont assez particuliers, et beaucoup de lignes (en tout cas celles qui nous intéressent) ont leur dernier départ peu après 17h. Après ca, c’est le désert et on doit attendre une demi-heure pour choper une autre ligne, plus importante, qui nous permettra de faire une correspondance.
Là vous allez me dire “mais pour rentrer du boulot alors?”. Facile! Les horaires de boulot, c’est un truc que les norvégiens gèrent grave. Nos contrats spécifient 37.5h de travail repas non-inclus, soit 40h repas inclus – il faut dire que le repas des norvégiens le midi, qui s’appelle le matpakke, c’est un peu spécial et ca se mange vite : du pain de mie avec une tranche de fromage par ci, ou une tranche de jambon par là. Rarement les deux sur la même tartine. Parfois il y a une petite fantaisie et on voit une rondelle de tomate. Exemple avec une photo du Dagbladet :
Je vous laisse juger : le matpakke, gégé ou pas gégé ?
En tout cas moi, je fais de la résistance et je prends une salade. Du coup en sortant du boulot, j’ai trop faim. Encore quelques semaines et je serai prête à m’enfiler une tranche de pizza à 16h.
Mais revenons à nos moutons : les horaires de travail. Si vous relisez bien la phrase ci-dessus, en concaténant, ca donne : “en sortant du boulot […] à 16h” . Gégéééé!
Eh oui, on fait du 8h-16h. Enfin en théorie, parce qu’en bon francais on se sent encore un peu coupable de partir à l’heure théorique. Mais la différence, et elle est de taille, c’est qu’au lieu de partir à 18h15 en disant à qui l’on croise “oui euh non j’y vais, faut que je fasse des trucs, tu vois…”, là on sort à 16h15 en se disant “zut, si je continue comme ca, comment je vais faire quand je devrai rentrer mes heures à la fin du mois? Je risque de me faire disputer d’être trop restée!”. Et puis on risque pas de partir après 17h20 : y’aura plus de bus!
Enfin, dernier truc trop gégé par les norvégiens : le vélo.
À Toulouse, sur le canal du midi, on peut définir plusieurs catégories :
– les Vélouz´, alias on roule à trois de front en faisant des zigzag
– les gens normaux
– les gens normaux qui bloquent leur pantalon en remontant les chausettes
– les gens normaux etc, avec un casque sur la tête (-> moi en 2009)
– ceux qui font du vélo en hiver (= le soir quand il fait nuit)
– ceux qui font du vélo en hiver (= le soir quand il fait nuit) avec une lampe (et parfois même un casque sur la tête) ( -> moi en 2010)
– ceux qui roulent quand il pleut (-> moi en 2011)
– ceux qui roulent quand il pleut la nuit en hiver avec tout l’équipement : legging, imper, bandeau, guêtres, gilet jaune, sacoches (-> moi en 2012)
– les vélos de route qui s’entraînent pour le Tour de France
Autant dire qu’avec mon legging, mon bandeau gris-sexy sur les oreilles et mon gilet de la route jaune fluo, le tout avec mon casque et mes sacoches à la main, en France j’avais l’air d’une OVNI.
Et ben ici, j’aurais trop l’air d’une noob’s avec mon gilet jaune. Ici, c’est le coupe-vent jaune fluo ou rien. Mon legging Decathlon ? pfff, quoi, mon legging est même pas profilé pour s’adapter à mes muscles ?! Mes gants de cycliste : même pas renforcés aux articulations! Et des sacoches ? pour quoi faire ?
Ici, le cycliste lambda qui va au boulot le matin (parce qu’après le boulot, à 16h, y’a aussi le cycliste lambda qui roule avec son club, et celui là il a plutôt un vélo de route) c’est ca :
( Photo empruntée à Visitnorway )
Bon en vrai, le cycliste lambda, il est sur une piste cyclable. Ca, c’est grave gégé par les norvégiens. Vous avez déjà vu une piste cyclable parallèle tout le long du périph’ vous ? Ben moi non plus, et ca ne va pas commencer ici. N’empêche, si on regarde OpenCycleMap, on voit bien qu’il y a beaucoup de possibilités. Et surtout, les pistes cyclables sont séparées de la route. Enfin, n’allez pas croire pour autant qu’en Norvège c’est comme les images d’Épinal du Danemark ou des Pays-Bas (oui, Épinal c’est un peu international) : il n’y a pas des tonnes et des tonnes de vélos partout. Sans doute la faute au froid, à la pluie et au relief.
En tout cas, moi ca me donne surtout envie de recevoir mon vélo pour partir me promener!